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Le point de vue du chef économiste de Raiffeisen

Edition 16.10.2024

Fredy Hasenmaile

Fredy Hasenmaile

Chef économiste de Raiffeisen

Mise à l’épreuve réussie

Quelles n’ont pas été les lamentations lorsque le taux de référence hypothécaire a augmenté par deux fois l’an dernier, passant de 1,25% au taux actuel de 1,75%. Les associations de locataires avaient même exigé que le Conseil fédéral suspende temporairement la répercussion de la deuxième augmentation. Etant donné que ces hausses du taux d’intérêt de référence permettaient aux bailleurs d’augmenter les loyers pour la première fois depuis son introduction, les jérémiades étaient compréhensibles, mais non la critique du modèle. Car le taux d’intérêt de référence vaut mieux que sa réputation.

L’introduction du taux d’intérêt de référence remonte à 2008. L’objectif était de rendre les ajustements de loyer plus transparents et plus équitables, en le basant sur le taux d’intérêt moyen de toutes les hypothèques en cours des banques. Globalement, le taux d’intérêt de référence reflète assez bien les coûts de financement des propriétaires immobiliers. Ainsi, son montant n’est pas uniquement défini (comme autrefois) par la banque cantonale locale, mais par un grand nombre d’établissements de crédit en Suisse, ce qui répond assez bien aux exigences en matière d’équité et de transparence. Les dernières analyses, par exemple celle de la Banque cantonale de Zurich ou de l’entreprise de conseil immobilier CIFI, montrent que les loyers des locataires existants ont fortement baissé dans le sillage des nombreuses baisses du taux d’intérêt de référence depuis 2008. Les locataires de longue date ont même réussi à imposer plusieurs baisses de loyers, ainsi que les deux établissements ont pu le démontrer grâce aux analyses des rapports locatifs conclus depuis au moins 2005. Les affirmations fréquemment répétées par les associations de locataires selon lesquelles les locataires auraient été spoliés de plusieurs milliards ont ainsi été contredites.

 

L’inertie est une force

Etant donné que les variations de taux sur les marchés ne concernent toujours qu’une petite partie des hypothèques en cours, le taux d’intérêt de référence réagit lentement aux changements, ce qui est parfois critiqué, alors que cela constitue en réalité l’un des principaux atouts du modèle relativement récent du taux d’intérêt de référence. Bon nombre de ceux qui critiquent les deux hausses de l’an dernier semblent ne plus se souvenir de la période antérieure à 2008. Jusqu’à cette date, le taux d’intérêt pour les hypothèques à taux variable de la banque cantonale locale était le taux d’intérêt déterminant pour les adaptations de loyer. Mais comme les hypothèques à taux variables perdaient de plus en plus d’importance, ce taux d’intérêt n’était plus représentatif des frais de financement des propriétaires immobiliers. Certaines banques cantonales ne publiaient même plus de taux officiel, raison pour laquelle une nouvelle solution s’imposait.

La réglementation de l’époque avait l’inconvénient que le renchérissement se répercutait rapidement sur les locataires, puisque la Banque nationale devait augmenter les taux d’intérêt afin de lutter contre l’inflation. À la fin des années 1980, lorsque l’inflation en Suisse a échappé à tout contrôle, la Banque nationale suisse a abaissé la masse monétaire et relevé le taux d’escompte à 7% en 1991. Les taux d’intérêt des hypothèques à taux variable ont ainsi augmenté d’un niveau déjà élevé de 5,2% à 7,9%, accentuant ainsi l’inflation par des hausses de loyers substantielles. Le nouveau taux d’intérêt de référence avait pour objectif de désamorcer ce cercle vicieux. La récente poussée inflationniste offre à présent une bonne occasion de vérifier que le modèle actuel fonctionne mieux à cet égard.

 

Epreuve de vérité engendrée par la récente poussée inflationniste

En 2022, la Banque nationale suisse a commencé à augmenter rapidement les taux d’intérêt en plusieurs étapes. Mais le taux d’intérêt de référence n’a réagi qu’une année complète plus tard. Lorsqu’il a augmenté pour la deuxième fois en décembre 2023, l’inflation était déjà retombée à 1,3% et la Banque nationale a ensuite pu reprendre le chemin de l’abaissement des taux. L’inertie du taux d’intérêt de référence a donc grandement contribué à ce que la hausse des loyers n’impacte l’inflation qu’avec un certain retard. Cet effet a également été responsable du fait que la Banque nationale n’ait pas eu à relever les taux de référence au-delà de 1,75%. Les locataires en ont tout particulièrement bénéficié, puisque le renchérissement et le relèvement consécutif du taux directeur de 250 points de base en tout n’ont entraîné qu’une hausse du taux d’intérêt de référence de 50 points de base. Une augmentation supplémentaire du taux d’intérêt de référence est exclue pour l’instant. Au contraire: en mars 2025 au plus tard, le taux d’intérêt de référence sera de nouveau abaissé à 1,5%, niveau auquel il devrait se stabiliser.

 

Conclusion: test réussi

On peut reconnaître au taux d’intérêt de référence qui faisait encore récemment l’objet de vives critiques qu’il a parfaitement répondu aux exigences posées en matière de transparence, d’équité et d’inertie. Le modèle du taux d’intérêt de référence qui ne devait initialement constituer qu’une solution transitoire jusqu’à l’introduction d’une révision du droit locatif devrait donc perdurer encore longtemps. Ce modèle ignore certes d’autres facteurs importants qui influent sur les loyers, tels que les prix immobiliers, les coûts d’entretien et les évolutions régionales, mais globalement il représente une amélioration évidente par rapport à la situation d’avant 2008. Cette épreuve de vérité réussie devrait profiter à l’acceptation du modèle du taux d’intérêt de référence. Ne serait-ce que parce que les modèles alternatifs engendreraient à leur tour de nouveaux défis et complexités. Les locataires et bailleurs sont donc plutôt bien lotis avec le taux d’intérêt de référence actuel.

Fredy Hasenmaile

Fredy Hasenmaile

Chef économiste de Raiffeisen

Depuis 2023, Fredy Hasenmaile est chef économiste de Raiffeisen Suisse et responsable du service Economic Research de la Banque. Avec son équipe, il analyse les évolutions de l’économie et des marchés financiers en Suisse et dans le monde, et il est chargé de l’évaluation de l’actualité économique et des prévisions relatives aux chiffres économiques clés.