Les dividendes ne sont toutefois qu’une forme possible d’utilisation du bénéfice. Dans les pays anglo-saxons notamment, les rachats d’actions sont souvent la variante privilégiée. Lorsque les entreprises rachètent leurs propres actions et que celles-ci sont ensuite «détruites», il y a ce que l’on appelle une concentration des bénéfices. Comme le bénéfice net doit être réparti sur un nombre réduit d’actions, le bénéfice par action augmente. Et cela devrait conduire, toutes choses égales par ailleurs, à une valorisation plus élevée, c’est-à-dire à une hausse du cours des actions. A cela s’ajoute le fait que les rachats d’actions offrent aux entreprises une plus grande flexibilité dans leur mise en œuvre et présentent des avantages fiscaux. Contrairement aux dividendes, ils ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu. De nombreuses entreprises combinent également les deux variantes. Novartis, par exemple, a encore 5,4 milliards en cours dans le cadre de son programme de rachat d’actions d’un montant maximal de 15 milliards de dollars US annoncé en juillet 2023. Parmi les sociétés du SMI, le groupe industriel ABB, la grande banque UBS, le technicien sanitaire Geberit, le fournisseur pharmaceutique Lonza et l’assureur vie Swiss Life ont actuellement des programmes de rachat d’actions en cours. Et il y a toujours un dividende en complément.
Mais les rachats d’actions ont aussi leur revers. Ainsi, la destruction d’actions propres réduit les capitaux propres, ce qui a pour effet de détériorer la qualité du bilan. A cela s’ajoute le fait que ces destructions sont souvent réalisées de manière procyclique et ne sont donc pas toujours créatrices de valeur. Nestlé en est un parfait exemple: le groupe alimentaire a mis fin en décembre 2024 à son programme de rachat d’actions lancé en janvier 2022. Au total, 187,4 millions d’actions ont été rachetées en Bourse pour 20 milliards de francs. Le prix moyen était alors de 106.74 francs, soit près de 20% de plus que le cours boursier actuel, qui est d’environ 87 francs. Rétrospectivement, Nestlé aurait donc mieux fait de distribuer l’argent aux actionnaires ou de l’utiliser pour réduire la dette. La réduction des fonds étrangers est la troisième variante d’utilisation du bénéfice, mais elle est généralement moins privilégiée par la direction.
Une autre possibilité est l’acquisition d’entreprises. Selon KPMG, les entreprises suisses ont été très actives dans le domaine des fusions et acquisitions (M&A) en 2024 également. Certes, 464 fusions et acquisitions ont été réalisées, soit 4% de moins qu’en 2023. Cependant, le volume des transactions a augmenté de plus de moitié, passant de 72 milliards à 115 milliards de dollars. Les entreprises pharmaceutiques notamment sont très actives. L’accent est souvent mis sur les petites entreprises de biotechnologie qui ont des médicaments prometteurs dans leur pipeline de recherche. Toutefois, le taux de réussite est mitigé. Ainsi, les groupes pharmaceutiques suisses ont dû corriger la valeur de certaines de leurs récentes acquisitions ou les amortir complètement. Chez Novartis, cela concernait le rachat de la société allemande Morphosys et chez Roche, les sociétés de biotechnologie Flatiron Health et Spark Therapeutics, qui se sont récemment révélées être de mauvais investissements.
En fin de compte, les dividendes sont souvent l’option préférée des investisseuses et investisseurs. Premièrement, cela permet d’obtenir un revenu stable et deuxièmement, il est possible de décider soi-même de la manière dont l’argent doit être (ré)investi. Ce qui est déterminant, ce n’est pas le niveau absolu du rendement sur dividendes, mais la constance des distributions. À cet égard, les entreprises suisses font partie des bons élèves et tout porte à croire que le record de dividendes de cette année sera de nouveau battu dès l’année prochaine.